Changement climatique, activité physique et sport : Le décryptage de nos experts

Cette brève scientifique est présentée par Laurence Kern et Lilian Fautrelle. Elle reprend les principaux résultats et enseignements tirés d’un article paru en 2021 dans la revue Sports Medicine.
Bernard P., Chevance G., Kingsbury C., Baillot A., Romain A. J., Molinier V. Gadais T., & Dancause K. N. (2021). Climate change, physical activity and sport : a systematic review. Sports Medicine, vol 51 : 1041-1059.



 

Présentation des 2 experts ici  

 

Les indicateurs de changement du climat les plus sévères et sûrement les plus connus sont la hausse des températures, la montée des eaux, le recul des glaciers et des banquises et la sévérité des catastrophes naturelles (ouragans, inondations, glissements et effondrements de terrain, feux de forêt, …). 
Ces changements impactent de façon dramatique la vie des êtres humains et leur santé, entraînent des migrations, des violences, la famine sans parler des autres conséquences sur la planète en général. Deux revues scientifiques récentes soulignent l'impact du changement climatique sur les comportements individuels et les impacts sur la santé, telles que les vagues de chaleur à répétition associées à de plus grands risques d’insomnie.

Les auteurs de cet article se sont posé la question de l’impact du changement climatique sur les comportements en lien avec l’activité physique (AP), incluant le transport actif, les activités physiques de loisirs et sportives et vice-versa. 

Ils ont répertorié 74 articles qui abordent six thématiques :

1) AP et pollution de l’air
2) AP et conditions météorologiques extrêmes
3) AP et émissions de gaz à effet de serre 
4) Empreinte carbone chez les pratiquants de sport 
5) AP et désastre naturel 
6) L'avenir de la pratique des activités physiques et du sport dans un monde en mutation.
Les informations à retenir

1.    Pollution de l’air et activité physique 

Les résultats des études scientifiques indiquent un effet négatif constant de la pollution atmosphérique sur les niveaux d'AP qui diminuent et les temps de sédentarité qui augmentent.
Ainsi, lorsque la qualité de l’air ambiant perçue était mauvaise, les personnes diminuaient leur niveau d’AP et augmentait leur temps de sédentarité. 

Des études projectives réalisées à Barcelone montrent que les mobilités actives (marche, vélo, rollers, …) associées à des réductions des déplacements en voiture (de 20 ou 40 %) permettraient de diminuer de 0,32 à 1,16 % la pollution atmosphérique.

A retenir : 
Les mesures objectives et subjectives de la pollution atmosphérique et les alertes à la pollution dans les médias sont négativement associées à la pratique d'une activité physique modérée à vigoureuse et à la mobilité active. Ces résultats semblent être plus forts chez les personnes âgées et les populations vulnérables. La réduction de la pollution atmosphérique dans les villes pourrait être obtenue par la promotion du transport actif seul, et en combinaison avec les transports publics. Toutefois, l'impact de cette réduction est estimé être faible dans l'ensemble !
 

2.    Températures extrêmes, conditions climatiques et Activités physiques 

•    Les résultats des études scientifiques indiquent un effet négatif constant des températures extrêmes, mais aussi des jours consécutifs de pluie sur les niveaux d'AP, qui eux diminuent. 
•    Conformément aux quatre scénarios du changement climatique pour 2030, 2050 et 2100, l'augmentation prévue de la pollution atmosphérique, la fréquence et la durée des épisodes de températures extrêmes auront un effet négatif sur l'AP.
•    Cette réduction de l'AP est plus sévère chez les adultes souffrant de maladies chroniques, ayant un indice de masse corporelle plus élevé ou encore chez les personnes âgées. Selon une étude menée à New York entre 2013 et 2017, les chercheurs constatent une augmentation du niveau d’AP, jusqu’à des températures autour de 26 et 28°C. Au-delà, une diminution drastique de la durée quotidienne ou de la distance parcourue à pied ou à vélo a été observée.
•    Le même constat est fait en ce qui concerne l’utilisation des vélos en libre-service de 17 villes nord-américaines : le nombre et la durée des trajets diminuaient au-delà de 26°C.
•    Au Qatar, il a été montré qu’une augmentation de la température et de l'humidité étaient associées à une diminution du nombre de pas quotidiens.
•    Au niveau mondial, la prévalence de l'activité physique pourrait diminuer considérablement dans les régions subtropicales, telle que l'Australie et celles plus exposées à des variations saisonnières dans les régions tempérées du nord tel que le Canada par exemple.

Les risques sanitaires attribuables à la pollution atmosphérique et aux conditions météorologiques extrêmes pourraient être exacerbés par les transports actifs chez les adultes vivant dans les zones les plus défavorisées. 

A retenir :
Des études empiriques ont révélé une association non linéaire entre les températures (seules ou en combinaison avec d'autres facteurs tels que l'humidité) et l'activité physique pendant les loisirs et la mobilité active. 
Une température élevée est généralement associée à une augmentation de l'activité physique jusqu'à ce qu'un certain seuil soit atteint, passé ce seuil nous notons alors une forte diminution de l'activité physique.
Les études basées sur des scénarios prévoient un effet positif de l'augmentation de la température sur l'activité physique dans certaines régions de l'hémisphère nord et pendant les mois les plus froids de l'année.
Une augmentation de précipitations pourrait contrecarrer ces effets positifs. Une étude met en garde contre l'augmentation des risques d'hyperthermie pendant l'activité physique à l'avenir.

3.    Émissions des gaz à effet de serre et empreinte carbone de l’activité physique 

Plusieurs études expérimentales récentes ont montré l'effet modeste des interventions ciblant les déplacements actifs sur les émissions de CO2. Il s’avère que les interventions visant à réduire l’utilisation de la voiture et les émissions de CO2 ont entraîné une augmentation modeste de la marche et du vélo, tandis que des résultats hétérogènes concernant la réduction des émissions de CO2 ont été notés (de 104 à 20 000 tonnes éliminées sur 6 mois). Cependant les qualités méthodologiques des études semblaient médiocres.
Cependant Mrkajic et coll. ont testé en 2015 l'effet d'une intervention visant à améliorer le stationnement des vélos (abris à la Faculté des sciences techniques de Novi Sad- Serbie) sur le transport actif. Ils ont couplé des données d'observation avec une enquête en ligne. Après ajustement pour les autres modes de transport, l'intervention a permis de réduire les émissions de CO2 de 50 % en un an. 
En ce qui concerne les études observationnelles, Zhang et Mi (2018) ont estimé le rôle d'un système de vélos en libre-service sur les émissions de CO2 et d'oxyde d'azote à Shanghai (Chine). Ils ont analysé les données de Mobike, une importante entreprise de vélos partagés sans station d'accueil représentant plus d'un million de déplacements en 2016. La distance et la durée moyennes des trajets quotidiens étaient respectivement de 2,2 km et de 16,8 minutes.
Selon les estimations des auteurs, ce système de vélos partagés a évité l'émission de 25 240 tonnes de CO2 (soit à peu près l'équivalent des émissions liées à la consommation annuelle d'énergie d'environ 2 300 foyers aux États-Unis) et 64 tonnes d’oxyde d’azote à Shanghai.
Winslott et coll. (2017), par le biais d'une enquête en ligne auprès de propriétaires suédois de vélos électriques (e-bike), ont examiné l'impact autodéclaré de l'utilisation de ces vélos par rapport aux autres modes de transport, puis ont calculé les réductions d’émission de CO2 associées à ce mode de transport. Les personnes interrogées vivant en zone urbaine ou rurale ont respectivement remplacé 55 % et 79 % des déplacements en voiture par des vélos électriques. L'utilisation de la bicyclette électrique a également entraîné une diminution de 14 à 20 % des émissions totales moyennes de CO2 dues au transport par personne.
En ce qui concerne les simulations de scénarios concernant le passage des déplacements motorisés à de la mobilité active, les différents chercheurs s’accordent à dire que cela aurait un impact sur les émissions de gaz à effets de serre. Les chercheurs cependant arrivent à des résultats très hétérogènes quant au pourcentage de réduction de ces gaz.

A retenir :
Les émissions de CO2 qui peuvent être économisées grâce au transport actif ont été étudiées dans des études expérimentales, d'observation et de scénarios. Les résultats varient fortement d'une étude à l'autre. Bien que l'ampleur de l'effet varie, le transport actif est principalement associé à une réduction des émissions de CO2.

4.    L’empreinte carbone des sportifs

Les activités physiques de loisirs, de tourisme et le sport professionnel sont une source importante d'émissions de gaz à effet de serre (dues aux transports motorisés nécessaires à la pratique d'une activité physique). Elles représentent entre 2,2 % et 26 % de l'empreinte carbone annuelle des adultes actifs allemands. L'empreinte carbone annuelle d'un joueur de la Premier League anglaise représente 5,3 fois celle des adultes britanniques. L’empreinte carbone d’un pilote de course automobile représente 10 fois celle d’un adulte allemand (c'est-à-dire 5,4 tonnes par an). D’ailleurs le pilote de Formule 1 Lewis Hamilton a déclaré souffrir d'éco-anxiété.

En 2018, Bunds et coll. ont étudié l’empreinte carbone durant une année, d’une équipe de jeunes nageurs en Caroline du Nord. Les chercheurs ont pris en compte uniquement les trajets faits en voiture par les parents pour accompagner leurs enfants à la piscine. Leur empreinte carbone était estimée à 415 tonnes de CO2. Les chercheurs ont effectué des analyses de simulation pour explorer les réductions d'émissions de CO2 liées au covoiturage :
Ÿ    entre 3 à 5 enfants pour chaque voiture
Ÿ    l'utilisation de voitures à faible consommation de carburant (c'est-à-dire ≤ 7,8 litres par 100 kilomètres) 
Ÿ    l'utilisation des installations géographiquement plus proche. 
Le covoiturage ou l'utilisation exclusive de voitures à faible consommation pourraient tous deux entraîner une réduction de 40 % des émissions totales combinées de CO2 par enfant. La troisième stratégie - la proximité des installations - était liée à une légère amélioration, soit une réduction de 12 % des émissions de gaz à effet de serre.

L'activité physique professionnelle et les déplacements actifs pourraient être considérés comme des comportements à risque dans un contexte de vagues de chaleur ou d'alertes à la pollution.
L'édition 2019 des Championnats du monde d'athlétisme de Doha a été organisée dans des conditions météorologiques qui étaient déraisonnables pour les athlètes.
La Coupe du monde 2006 de la Fédération internationale de Football a été présentée comme un événement "climatiquement neutre". Or, les audits environnementaux n'incluaient pas les déplacements aériens des équipes sportives et des spectateurs.

A retenir :
Les pratiques sportives, tant amateurs que professionnelles, sont associées à une empreinte carbone élevée pour les participants. Les émissions varient en fonction du sport. Cependant, elles sont principalement liées au transport nécessaire aux pratiques sportives (en avion ou en voiture).

Pour les amateurs, le covoiturage et l'utilisation de voitures à faible consommation de carburant pour les déplacements liés au sport pourraient être associés à une diminution faible à modérée de leur empreinte carbone.

5.     Catastrophes naturelles et activité physique

Diverses études aux Etats-Unis ont montré qu’à la suite d’ouragans, les personnes, notamment ceux de plus de 55 ans, diminuaient de façon significative leur niveau d’activité physique et augmentaient leur niveau de sédentarité. Les parcs étaient moins fréquentés. 
Il a été noté les mêmes résultats chez des enfants 8 mois après l’ouragan Ike. Un stress perçu élevé en raison de l’ouragan et des symptômes de stress post-traumatiques sont significativement associés à une augmentation du temps sédentaire et une diminution du temps d’activité physique pratiquée à l’extérieur.
A Houston une étude fort intéressante a montré également cette diminution d’activités physiques suite à l’ouragan Harvey (2017). Cependant, le nombre de piétons et de cyclistes est revenu au niveau d'avant l'ouragan six semaines après son passage. Cette étude a mis en lumière le rôle potentiel de l'infrastructure cycliste et piétonne sur le rétablissement des catastrophes et le bien-être des populations touchées.
Aux Philippines, il a été montré que suite aux inondations, les personnes avaient adapté leur mode de transport et se déplaçaient moins à pied

L’organisation des sports et de l’activité physique après une catastrophe naturelle :
Un examen détaillé de 70 articles de journaux et de magazines a révélé que les athlètes et les organisations sportives peuvent apporter leur soutien aux communautés locales après une catastrophe naturelle. Ce soutien peut prendre la forme de soutien social (dons, collectes de fonds, activités de formation, bénévolat, hébergement dans les installations sportives...), de soutien social émotionnel (visites de grands champions auprès des populations touchées par la catastrophe), des programmes de développement communautaires (athlètes professionnels, travaillant avec des athlètes locaux).
Ces soutiens, la mobilisation de volontaires, sont importants pour améliorer la résilience des populations touchée, 

Les communautés sportives et d'activité physique de loisirs sont reconnues comme d'importants promoteurs de la résilience des populations après des catastrophes naturelles. Par exemple, les bicyclettes peuvent permettre d'atteindre les personnes isolées après un ouragan, et des interventions sportives adaptées peuvent être organisées pour améliorer le bien-être des enfants exposés à des catastrophes naturelles.


À retenir :
Les catastrophes naturelles (ouragans/cyclones, inondations, sécheresses et typhons) ont un impact négatif sur l'activité physique, principalement par leurs effets sur les infrastructures d'activité physique.
Les organisations d'activité physique pourraient contribuer au rétablissement post-catastrophe naturelle en fournissant un soutien direct aux populations ou pour faire face à l'anxiété post-catastrophe.
La reconstruction des infrastructures d'activité physique (terrains de jeux, parcs) semble être une priorité absolue après une catastrophe naturelle pour les résidents des zones touchées.

6.    L'avenir de la pratique des activités physiques et du sport dans un monde en mutation

Dix études ont été incluses dans cette section. Trois études ont simulé des projections pour les futurs Jeux olympiques, quatre études ont examiné l'activité physique en plein air aux alentours de 2060-2080, et trois études ont proposé une définition révisée de l'activité physique au regard des préoccupations environnementales.
En ce qui concerne les Jeux olympiques, Scott et ses collaborateurs (2015; 2019) ont fait des estimations afin de constater si les villes ayant déjà accueilli les Jeux olympiques d’Hiver pourraient à nouveau les accueillir dans 60 ans. Selon leurs estimations, 12 et 10 sites sur 21 villes conviendraient pour accueillir les Jeux olympiques et paralympiques d'hiver, respectivement, pour le scénario à faibles émissions. Toutefois, seuls 8/21 et 4/21 étaient encore adaptés pour accueillir ces Jeux dans un contexte de fortes émissions. Les Jeux paralympiques seraient plus vulnérables, car ils sont programmés plus tard en hiver (mars).
Smith et coll. (1996), ont fait des analyses similaires pour les Jeux olympiques d’été. Ils ont inclus les villes de plus de 600 000 habitants et à moins de 1600 m d’altitude dans l’hémisphère nord (102 villes). Selon leurs projections, en Europe occidentale, seulement 24 % (25/102) des villes incluses pourraient convenir pour accueillir les Jeux olympiques d'été en 2085. Cependant, dans les autres zones géographiques, seulement 1,5 % (8/543) pourraient encore être aptes à accueillir les Jeux olympiques. Aucune des villes éligibles ne se trouvait en Afrique du Nord ou en Amérique latine/Caraïbes.
En ce qui concerne les activités physiques en plein air, les études montrent un impact négatif indéniable du changement climatique sur le ski alpin, ski de fond, patinage en extérieur, escalade, canoé….

Breivik, chercheur norvégien du département des études culturelles et sociales de l’école des Sciences du sport à Oslo énonçait qu’ « avec l'augmentation du réchauffement de la planète et la hausse des températures , nous avons non seulement la possibilité, mais aussi l'obligation de modifier les pratiques sportives actuelles ». En effet, de nombreuses compétitions sportives internationales récentes ont été affectées par des événements climatiques au cours des dernières années, telles que la dernière édition de la Coupe du monde de football en 2006 ou de la coupe du monde de rugby au Japon (typhon Hagibis). L'impact du changement climatique sur l'organisation de ces compétitions internationales sera probablement de plus en plus important dans les années à venir.

À retenir :

Des études de simulations ont proposé différents scénarios concernant les futurs événements sportifs professionnels (Jeux olympiques) et les pratiques sportives amateurs (principalement en Amérique du Nord). Les résultats de cette littérature sont difficiles à interpréter à ce stade et des recherches supplémentaires sont nécessaires. 

Il est probable que les sports d'hiver seront touchés en raison de saisons hivernales plus courtes et moins intenses ; en été, les problèmes liés à la chaleur pourraient devenir de plus en plus importants en fonction des lieux géographiques. 

D'autres études ont proposé de redéfinir les concepts d'activité physique et de sport en tenant compte du changement climatique et des effets environnementaux de ces pratiques : "activité physique durable" et "sport lent".

En conclusion

Les impacts du changement climatique affectent l'activité physique à l'échelle mondiale. On observe que l'AP joue à la fois un rôle d'atténuation, mais aussi d'amplification des changements climatiques. 

Notions clés à retenir

•    La pollution atmosphérique, les événements climatiques extrêmes et les catastrophes naturelles sont associés à une diminution de l'activité physique chez les adultes.
•    Les acteurs de l’activité physique (physical activity communities) jouent un rôle important dans la résilience et le rétablissement après des catastrophes naturelles.
•    S’agissant des émissions de gaz à effet de serre, l'activité physique fait à la fois partie du problème et de la solution.
 

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